jeudi 20 décembre 2012

Première sur l’Aguja Standhardt via « Tomahawk » et « Exoset » en libre à la journée !!!

Eh oui, la cordée de sudistes à encore frappé. Cela faisait une dizaine de jours qu’on tournait en rond à El Chalten à regarder la météo.

Jeudi 11 : Nous sommes allés repérer l’approche jusqu’au camp avancé de «Nipo Nino» au pied de la face Est du Cerro Torre  et faire une dépose de matos pour la prochaine fenêtre de beau. 6h00 de marche plus tard, nous sommes au camp, mais il pleut, nous faisons demi tour sans avoir rien vu autour de nous.
C'est bien de repérer l'approche
 Par contre repérer cette marche sera un bonus pour la prochaine fois car il s’avère que le chemin le plus rapide est loin d’être évident. Retour en 4h30, on est bien fatigué, mais au moins le matos est là-haut, la prochaine fois on ne montera que la nourriture.
La marche jusqu'à Nipo Nino
5 jours se passent avant qu’une éclaircie arrive, on est dans les starting blocs. Mardi 16, nous montons dans la matinée au camp avancé. Au début la vue est dégagée, mais ça se couvre vite et des nuages nous cachent la vue à la moitié de la face. Arrivés au camp nous hésitons encore ; si nous basculons en face Ouest pour tenter la « Ragni » au Cerro Torre.

Plusieurs facteurs sont à prendre en compte. Il est tombé beaucoup de précipitation et la neige est bien présente.  De plus, cela fait 20 jours que personne n’à essayé la voie ; du coup l’approche au pied de la face Ouest peut prendre 10h00 facilement, à brasser dans 50cm de neige fraîche. Après il faut bien compter 12h00 de grimpe sans compter le temps qu’il faudra pour creuser le tunnel de la dernière longueur clé (le fameux champignon en glace-givre). Après cela il faut redescendre en rappel et remonter le col Standhardt et rejoindre le camp, environ 10h00. Bref, on n’est pas couché et la météo annonce plus ou moins 36 heures de beau sans trop de vent.
La vue depuis le camp avancé sur le Fitz Roy et ses satellites
Après moult concertations et discussions avec d’autres cordées, nous décidons de ne pas tenter le Cerro Torre ce coup-ci, c’est un peu juste. Il faut savoir qu’en Patagonie on ne peut pas jouer avec la météo car personne ne viendra nous chercher. Beaucoup se sont fait avoir et ne sont plus là pour en parler.
Il nous reste encore 15 jours d’expé, on opte donc pour une solution de repli. Je pars en direction du fond de la vallée pour repérer s’il y a des traces et voir à quoi ressemblent les faces et diverses goulottes. 
Ben reste au camp et soigne ses ampoules.
Le col Standhart et la ligne de Tomahawk, complètement à gauche

Je mitraille les différentes faces pour ramener de quoi réfléchir avec Ben. 
Une ligne me saute aux yeux mais ça va être dur. 
Entre temps plusieurs cordées redescendent du col Standhardt. 
Ils ont tous essayé la voie « Exoset » et butté à la première longueur. Apparemment une fissure pleine de glace les ont fait rebrousser chemin.

Je rentre au camp et on analyse les différentes options. 
Première option essayer « Exoset » et  franchir l’obstacle de la première longueur, ça nous parait l’objectif le plus facile à réaliser pour assurer une voie.

Deuxième option, bien plus intéressante : partir dans une goulotte bien plus bas que le col, « Tomahawk » et enchaîner directement « Exoset » à sa sortie. 
Ça fait une ligne directe et logique vers le sommet mais ce n’est pas la même affaire. 
800 mètres de goulotte raide avec environ 5 longueurs entre le grade 5 et 6, et le soleil qui arrive dessus à 6h00 du matin !!! Il va falloir partir tôt si on veut faire doublette.

Il est 17H00, on mange et on va se coucher, réveil prévu 21h40 pour partir en début de nuit, c’est tout décidé : demain on se fait une pure journée de goulotte.

Le réveil sonne il fait toujours jour, Ben comme à son habitude ronchonne et attends que le petit déjeuner soit prêt pour se lever (Quel fouine celui là !!). 
Ça y est, on est fin prêt, sac sur le dos, le ventre plein, nous partons vers 22h30 à l’assaut de l’aiguille Standhardt. 
On profite d’un regèle moyen mais la trace est faite, on avance bien et en 2h30 on est au pied de « Tomahawk ». La première longueur est pas très engageante et paraît très délicate et super raide, Ben se propose pour se dur labeur. Dans ma tête je me dis "ouf ce n’est pas moi qui vais me faire peur de bon matin". Il est 1h00 du matin, il fait nuit noir.

En effet, 1h15 plus tard Ben arrive au relais, il a tout donné. Du bas des plaquages foireux et des protections moyennes faisaient froid dans le dos, mais Ben léger et technique a déjoué les pièges de cette cheminée dièdre. 
Je pars à mon tour dans cette longueur et très vite mon sac à dos me tire en arrière, c’est sacrément raide. 10 mètres plus haut je vois le petit sac à dos de Ben accroché à un point. 
Me voilà avec deux sacs en train de me hisser sur des plaquages de neige glace décollés. Tout s’écroule sous mes pieds et piolets je suis à deux doigts de tomber, mais Ben assure sec. Arrivé en haut, je salue l’artiste et le remercie d’être passé en tête.

A mon tour. La suite parait plus facile mais on ne voit pas tout. Sur le topo il est indiqué que la prochaine longueur est en grade 6. 
50 mètres plus loin je fais relais au pied d’une immense longueur de glace raide ; je crois que c’est plutôt celle là le grade 6. 
Ben me rejoins et je lui propose de la faire. Il ne s’y oppose pas, bien au contraire : ses bras sont encore en vibration après sa belle prestation.
Le grade 6 easy
La longueur est plus impressionnante que dure, il s’agit d’un dièdre assez fermé, avec de la glace sur la partie droite. Du coup je me repose contre le mur derrière moi, et cette longueur n’est en fait qu’une formalité. Je mets plusieurs broches à l’aide des deux mains, en opposition entre le rocher et la glace, dément ! La suite déroule pas mal et nous arrivons rapidement sur les grandes rampes de neige que l’on avale, en corde tendue. 
Je fais la trace sur 200 mètres, en passant 2 ressauts faciles.
Les rampes faciles
Ben prend la suite pour arriver au pied d’« Exoset ». Il est 7h00 et la goulotte prend le soleil depuis plus de trois quarts d’heure. Beaucoup de petits morceaux de glace tombent en continu, mais rien d’alarmant.

On décide de continuer coûte que coûte, en faisant que des longueurs de 60 mètres, afin d’aller le plus vite possible. Cette goulotte est vraiment une raie des fesses, c’est très pur comme ligne et d’une raideur incroyable. Parfois nos épaules touchent les 2 murs verticaux de part et d’autre, hallucinant !
Ben est juste assez large
Ça parpinne de plus en plus et c’est tête baissée que nous grimpons et assurons. Ça tombe en permanence ; en gros c’est la guerre. 
Ben me fait tomber un bon bloc de rocher en plein milieu du casque. J’ai enfin testé ce nouveau casque ultra light de Petzl, le « Sirrocco ». Eh bien à présent, je lui fais confiance à 100%. Ça m’a bien secoué la tête et le casque va sûrement finir sa vie en Patagonie ou dans ma vitrine de salon.
Une pure goulotte
La glace commence à présent à bien ramollir, et ça pleut littéralement dans la goulotte. Mais les longueurs sont toutes aussi raides ; plus on monte et moins on se prend des chutes de glace. Les deux dernières longueurs nous paraissent interminables, nos bras n’en peuvent plus et nous sommes trempés. 
Au relais on lutte pour se réchauffer ou plutôt réchauffer nos vêtements imbibés. L’eau coule le long de nos piolets puis des gants et enfin entre par la manche quand on a le bras tendu en l’air pour grimper, abominable.
Sa mouiiillllle !
On arrive enfin au petit col, nous sommes exténués.  La longueur suivante, pour atteindre la neige glace qui forme le sommet, est horriblement dalleuse. On n'a plus la force de nous battre ; nous pensons même à redescendre. 
Le temps de se réchauffer et de manger un saucisson et un peu de fromage, la motivation remonte. C’est trop bête de butter là ; on en a trop chié pour renoncer aussi haut.
Saleté de dalle ; on a failli buter
A nouveau Ben se lance pour un ultime combat. 45 minutes plus tard et quelques assoupissements inattendus de ma part, il crie victoire, car la suite est plus facile, et surtout il voit le sommet, hourra. Je le rejoins en quatrième vitesse et enchaîne une traversée en neige et glace de 100 mètres, on est au pied du champignon sommitale. Je laisse l’honneur à Ben de se régaler avec cette formation si originale et tant attendue. On vit un rêve d’alpiniste.
Ben au pied du champi
8 mètres plus haut c’est le sommet, ça y est ; on est en haut de l’aiguille Standhardt.
Encore un sommet de plus : )
La vue est magique, on à l’impression de pouvoir sauter sur le Cerro Torre tellement ça a l’air proche. On le dévore, l’analyse sous toutes les coutures, on s’en imprègne, c’est sûr celui là il nous le faut.
Cerro Torre, on t'aura

Nous commençons la descente, tous les rappels vont se dérouler normalement
Les rappels
et vers 20h00 nous sommes de retour à la tente. Tout c’est déroulé comme sur des roulettes.

Un poil défoncé mais surtout brûlé vif
De retour à El Chalten on parle de cette voie à plusieurs personnes et apparemment c’est la première fois que les 2 goulottes se font à la journée. Normalement les cordées bivouaquent au pied d’« Exoset » pour ne pas être trempées. 
De plus nous avons commencé Tomahawk par une nouvelle longueur et en libre. Le tracé du topo original prends en L1, une rampe en 5+ et un peu d’artif. Nous sommes passés tout droit, sous la goulotte. 
Nous avons donc signé la première ascension en libre à la journée de cette connexion, ça fait toujours plaisir, non !!!

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