mardi 8 juin 2010

Le Denali par la voie normale, une expé qui aurait pu encore mieux finir...

Après notre premier objectif atteint avec le Mont Hunter nous devions aller nous acclimater pour gravir une voie en face sud du Denali, la "Direct Slovak" ou encore nommé la "Direct Tchèque" (il s'agit du même tracé).

Déjà en milieu d'expé nous avons dû nous résoudre au fait que nous ne pouvions y aller, car le début de la voie était complètement sec sur 600 mètres à vue d'œil. Alors, on s'était dit que nous irions sur "L'éperon Cassin", une ligne exceptionnelle, bien qu'un cran en dessous du projet initial.

 

Vue du camp de base (2200m) sur la face sud du Denali et l'éperon Cassin au centre, Tout ces petits fanions sont du matos enterré en dessous laissé par des groupes partis sur la voie normale du Denali 

Mais notre premier objectif c'est fait un peu attendre à cause de plusieurs jours de mauvais temps et lorsque nous sommes partis, la voie en poche en 48h non-stop, après seulement 2 jours de repos, il ne nous restait qu'une dizaines de jours pour finir de nous acclimater sur la voie normale du Denali ("West Buttress") et faire la croix de la face sud.
Nous sommes donc partis vite, pour essayer de rattraper le temps perdu, à fond comme d'hab.
Il faut normalement 2 à 3 semaines à un alpiniste standard pour rejoindre le sommet du Denali par la voie normale, et encore, seulement 50% des inscrits y parviennent.
 Le départ avec nos vivres pour 10/12 jours, les pulkas sont bien ficelées, ça va bourriner sévère.

Tout d'abord, il faut acheminer la nourriture au camp de base vers 4400m, parcourir les 17 kilomètres et s'acclimater suffisamment pour être à l'abri des MAM (Mal Aiguës des Montagnes). Nous n'allons mettre que 3 jours, en nous défonçant le dos et les jambes. 

 Sur le plat, c'est dément, mais dès que ça monte, c'est mutant lourd, mes hanches s'en souviennent encore.

On accuse le coup du non stop, des pulkas lourdes et de notre non expérience quant à leur maniement. Là encore on apprend, encore et toujours en expé ! Mais tout ceci va se faire par un incroyable beau temps, du jamais vu, cela dure depuis une semaine.
On apprend à construire un bon campement à l'aide de scie à neige pour hériger un mur protecteur avec des cubes de neige.

 Le CB vers 4400m et ses murs de neiges.

Le temps de nous remettre un minimum sur pied, nous rejoignons finalement le sommet du Denali 4 jours après notre arrivé au CB, soit en tout une semaine après être partis de notre ancien CB vers 2200m, et il fait toujours beau !

Voilà avec quoi on a mangé durant 10 jours, attention c'est très bon malgré l'aspect.

Je ne vous cache pas que nous étions heureux d'être déjà arrivés au sommet de cette mythique montagne d'Amérique du nord, sont point culminant. 

 Un belvédère à 5 minutes du CB, sympa, non !?

La montée c'est déroulée normalement, en 2 jours, pour bien fignoler notre acclim.
Premier jour on part vers midi avec nos 2 sacs de 40 litres North Face bien pleins, mais légers. Petite tente, duvet, lyoph, réchaud et vêtements chauds, le stricte nécessaire. On rattrape assez vite la horde des "touristes" de la voie normale, chargés comme des mules, s'apprêtant à assiéger la montagne pour plusieurs jours. 

 Ah la queue leu leu ... horrible vision n'est-ce pas ?


Nous, nous venons quand même de passer plus de 3 semaines à monter descendre, à droite à gauche, certes, plus bas mais cela compte pour l'acclimatation.
On se retrouve au niveau des cordes statiques, eh oui, les rangers, au vu du nombre des candidats et surtout de leur inexpérience, ont installé des cordes fixes sur 150m de déniv dans une section à 50° en glace, pour éviter les accidents et faciliter le travail des guides américains qui ont souvent 3 clients sur leur cordées.
Alors, ça bouchonne sévère au pieds des stats. On décide de doubler tout le monde, à côté, en solo, en mode bi-pointe. Le rythme cardiaque d'un coup s'accélère, normal on est proche des 5000m d'altitude.
A la fin des stats on arrive à un petit col, d'où part une arête qui rejoint directement le dernier camp vers 5300m. 

 Ben remonte l'arête qui débouche sur le dernier camp

On file dessus directement, après s'être hydratés et avoir enfilé le masque. L'arête est étonnamment vertigineuse et le rocher n'est pas très loin, ce qui lui donne un certain charme, la "marche" est très esthétique. D'ailleurs des pieux à neige y sont installés tout les 20 mètres pour sécuriser la progression, même utilité que tout à l'heure (merci les rangers).
Cette journée nous avons pris la corde mais elle ne nous à pas été nécessaire, du coup en 3 heures nous avons atteint ce dernier camp. 

Un changement de roche étonnant 30m avant le plateau au niveau du camp 5 vers 5200m

Nous nous installons, avec le luxe de pouvoir choisir le meilleur emplacement, déjà aménagé de murs de neige et d'un sol bien plat. En quelques heures le camp se rempli, de tous ceux que nous avons doublé à la mi journée. 

On lui demande pas d'être confortable mais juste légère et pour ça il n'y a pas mieux

Du camp la vue est superbe sur la vallée, nous en profitons pour faire le plein de clichés.

Un petit promontoire juste à côté du camp nous offre une vue bien sympathique, à ns pieds le CB.

Le vent se lève durant le repas, nous nous réfugions dans notre micro tente de 1 kg. Il est 19h00 quand nous essayons de nous endormir. On sent que l'on est plus haut en altitude, car le sommeil est très difficile à trouver. D'ailleurs nous n'allons dormir que quelques heures cette nuit en passant notre temps à tourner en rond dans nos sacs de couchage. Jusqu'à ce que Ben craque vers 6h00 du matin et sorte de la tente pour préparer le petit déjeuner.
Au départ nous voulions dormir jusqu'à 8h00 et partir vers 9h-9h30, pour attendre le soleil si confortable et agréable au lever. Mais la lassitude et l'énervement dus à l'insomnie ont pris le dessus sur la froideur et l'ombre qui régnait au camp ce matin. Du coup ont se prépare vite, on rempli les thermos et à 7h20 on est partis. 

 "Denali Pass" vers 5600m

Le camp est silencieux, nous avons honte à l'idée de réveiller des alpinistes endormis, mais au moins on sera seul aujourd'hui pour savourer ce sommet. La montée jusqu'à celui-ci sera tranquille, en 4 heures, mais à chaque petite côte le rythme se ralentit, mais nous prenons notre vitesse de croisière et évitons de trop nous arrêter.

 Le sommet est en vue, sa souffle un peu.

D'ailleurs, grâce à la technique que nous avons utilisée au Mont Hunter pour boire, on ne s'arrête pas souvent. On à enfilé un Camelbag de 2 litres de contenance directement sur les premières couches de vêtements, près du corps, ce qui maintient le contenu toujours liquide (merci Stéph Benoist).
La dernière montée, avant l'arête finale, sera la plus éprouvante au niveau du souffle et nous arriverons haletants au sommet de l'Amérique du nord, 6193 m. 

 Sur l'arête finale à quelques mètres du sommet

Un nuage orographique (cf définition en-bas *) va nous empêcher d'admirer le panorama qui s'étend désormais à nos pieds, nous essayons vainement d'attendre une demi heure mais rien n'y changera. Pourtant on apercevait une immense mer de nuages vers 4000m qui remplissait les vallées. 

  Voilà ce qu'on a loupé au sommet, une mer de nuage démentielle.

Nous redescendons et presque arrivés au camp, nous croisons les premiers alpinistes qui montent, ils sont interloqués par le fait que nous redescendions déjà, ils nous posent même des questions quand à notre possible arrivée au sommet !? 

Le sceau au sommet du Denali apposé par des scientifique lors du calcul de son altitude

On enchaîne la descente au camp de base après s'être vite restauré. Nous nous surprenons à rire du fait que nous sommes déjà bien au chaud dans nos duvets au CB, alors qu'il ne doivent que tout juste arriver au sommet. Un petit mal de crâne nous gêne, mais je crois que l'acclimatation est terminée. Place à la suite des évènements, on l'espère.
Il nous faut à présent au moins un jour de repos et une fenêtre météo clémente de 48 heures, pile poil le temps qui nous est normalement impartit avant le vol retour vers la civilisation. 
Il faut savoir que la météo en Alaska est très changeante et les prévisions difficiles. On a pu s'en rendre compte durant ce mois sur le glacier. 

 Il ne fait pas très beau sur le Mont Foraker ... Vue du CB (4400m)

Tous les jours nous allions demander aux rangers ce qu'il en était au niveau météo. Une fois sur deux c'était ce qu'ils avaient prévu, les autres fois, soit les perturbations étaient en avance, soit c'était archi faux. Difficile alors de partir serein dans des gros chantiers.
Arrivés au CB après la voie normale, il faisait encore très beau hallucinant, 10 jours consécutifs de beau ! La météo prévue est encore pas mal, pour au moins 2 jours, on se dit alors demain repos, car de toutes façons ce qui nous attend l'exige. Et puis banzai pour le sur lendemain en courant de journée pour au minimum 30 à 48 heures.
Sauf que le lendemain, la météo change, nous décidons d'attendre l'évolution sur une journée de plus, et voir si la pression remonte un peu. Il ne nous faut  surtout pas de chute de neige. Il faut savoir que 5 cm de neige sur une face de 3000m : la petite coulée qui part du haut se transforme en bas en avalanche digne de se nom. De toutes façons on a un peu de marge sur le retour en ville par avion, on peut gratter 2 à 3 jours, on aura un peu moins de temps pour visiter l'Alaska...

Le lendemain, ce qui devait arriver arriva : il neige et la météo des rangers annonce une perturbation dès demain, puis l'apocalypse pour le surlendemain (50cm de neige et du vent) et annonce même sur le tableau "LIKEKY NUCLEAR, ANCHOR IS ALL DOWN" (= accrocher bien les tentes). 

 Tous aux abbris !!!

Dans nos têtes, il ne reste plus de doute quant à l'avortement de la suite de notre projet. On a ensuite confirmation de ces prévisions par un routeur météo de Chamonix, grâce à une autre expé de français. Notre but désormais est de retourner le plus vite possible au CB à 2200m pour pouvoir prendre l'avion avant que la tempête arrive, car on peut facilement attendre un avion-taxi plus de 3 jours quand une grosse perturbation fais rage. On espère partir demain matin car pour l'instant il neige à gros flocons, ranger maintenant serait trop chiant, avec toute cette neige qui tombe. 
Le lendemain 20cm de neige ! mais il fait assez beau pour nous permettre de tout rempaqueter et ficeler sur les pulkas. Un grand chapitre s'annonce pour aujourd'hui, la descente avec nos "ski" si on peut appeler ça des skis. Ceux de Ben doivent faire un mètre à tout casser mais ils sont larges, les miens sont des reliques quand j'ai débuté le ski de rando au lycée, il y a 13 ans, des dynamic orange fluo, 70 au patin (donc partout !) que j'ai amputés pour les raccourcir à 1m30, un vrai régal. On a pas arrêté de réfléchir : comment va-t-on faire pour descendre dans les dévers et les côtes avec les pulka ? surtout avec nos chaussures l'alpinisme (souuuuuuuple !). Les premières descentes sont catastrophiques, on décide même de marcher en crampons plutôt que de skier, ensuite on commence à apprivoiser les bêtes, pulkas et skis. Ensuite cela devient même très amusant, quoi qu'un poil dangereux, au vu de la vitesse et de la non maîtrise des techniques de freinage...

 Une bonne technique avec la pulka en laisse entre les jambes.

On va finalement rejoindre le CB sur le Kahiltna glacier au bout de 4h00 de glissade et une petite remontée quand même à la fin.
A partir de là, ça se goupille nickel, un orage fait des siennes entre nous et le CB mais une pilote c'est aventurée jusqu'ici, 10 minutes après notre arrivée. On charge tout dans l'avion et on décolle immédiatement pour Talkeetna notre point de départ. 

 Sale, moi !

Pour un retour rapide, ça s'en était un. 

 Belle orage, mais sympa quand même la vue de l'avion ...

Je vous laisse imaginer la suite, hamburger géant, bières et toutes les petites joies qui font que l'on est bien, après 30 jours dans la neige.
Voilà notre expé s'arrête là mais notre esprit est à nouveau plein d'images et encore quelques rêves qui sont désormais réalisés, mais bien d'autres sont nés durant ce voyage.
Ah c'est dure les expés, ça n'arrange rien avec les copines et le désirs de repartir à nouveau.

La bise à tous c'était vraiment énorme l'Alaska en 2010.

Merci à tous et plus particulièrement à :
- ma maman qui à retranscris mes propos par téléphone satellite
- Petzl, qui à été le premier à me suivre
- Béal
- Montura
- Bourse Expé 2010 et ses partenaires : CAFF, Expé, North Face, Petzl, Montagne Mag,... 
- Julbo
- Tous ceux qui nous ont envoyé des SMS sur le tel sat
- Le V-Crew pour l'ambiance au camp de base
- et Cécile qui m'aide à supporter le mauvais temps en toutes circonstances

A la prochaine, continuez à me suivre, je ne vous décevrai pas ...


* Ces nuages se forment lors du franchissement du relief par un flux d'air assez fort et stable. A l'approche du relief la particule est soulevée (l'altitude augmente), donc la pression va diminuer de même que la température. L'humidité augmente alors et l'on assiste à la formation du nuage orographique.

3 commentaires:

  1. Bravo à vous, vous vous êtes bien gavés !!! J'ai hate de voir les photos !!
    Rom

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  2. BRAVO A TOUS pour le courage que vous avez us j'espére voir des nouvelle photos bientot.

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