La paroi Dérobé |
Un matin je regarde mon agenda et je vois qu'il y a une semaine de libre, je réfléchis un peu et là une envie d'artif monte en moi, je me souviens de ce projet et c'est parti. Une petite annonce sur facedebouc pour recruter un ou deux compagnons de cordée et le tour est joué. Il n'y a pas foule qui répond. Au final c'est Benji Ribeyre qui sera de la partie, un jeune Romanais (26) que je connais bien.
Benji à droite et moi à gauche |
Sur le parking d'Aiglun, on fait encore les malins ... |
Au menu sur cette approche il n'y a pas que de la marche, remontées sur cordes fixes, rappels, traversées scabreuses nous attendent, et tout ça chargé comme un mulet. Au final on va mettre quasiment 2h00 pour faire un aller et 1h00 pour revenir, donc 6h00 de portage, quand je vous dis qu'il faut être solide...
Les sacs arrivés à destination, on est défoncés, on a l'impression qu'un semi-remorque nous est passé dessus dans la bataille.
Benji dans L1 au dessus de lui le premier gros toit, la L2 |
L3, des vrais toits , je vous dit |
On est content, car pour cette première journée on a fait pas mal de longueurs.
Jour 2 : Le réveil est difficile mais ça va, on va mettre 2h00 à décoller car le bivouac est peu confortable, pas de vire et légèrement dans le dévers, c'est galère de tout plier.
Le départ de la voie se trouve vers l'arbre en bas à droite ... |
L5, 5c foireux puis A1+ très troublant. Benji s'engage un peu à reculons dans cette longueur, parce qu'il faut escalader des écailles branlantes et ne rien faire tomber car je suis juste en dessous.
Cette longueur aux cotations abordables va lui entamer son capital confiance et motivation, car le toit avec une belle fissure à friends va se révéler piégeux.
En effet la fissure, parfaite pour accueillir des friends un poil large (N° 2 et 3), les rejettent de façon intempestive. A noter que cette fissure est un nids d'oiseau (hirondelles) avec pas mal de guano. Après analyse on en conclue qu'a force de passages, les oiseaux ont poli la fissure avec leur petites ailes et pattes rendant le rocher horriblement lisse. Benji va se faire avoir une fois en chutant à moitié après qu'il ait mis un excellent friend, dont il n'imaginait pas une seule seconde qu'il allait sauter. Il arrive enfin au relais, assis sur un arbre et soulagé, mais me fait remarquer que la prochaine est un peu du même ordre ...
L6, c'est la troisième longueur de la journée, A1+. Il s'agit encore d'un toit à franchir avec une fissure et des trous polis par ces satanés oiseaux. Moi aussi je n'y vais pas de bon cœur, surtout que la punition en cas de chute est un énorme genévrier avec de bonne branches cassantes (Un seul trou de cul me suffit ...).
Non, pas l'arbre ... |
L7, A3, 15 mètres ! On ne sait pas à quelle sauce Benji va être mangé, la longueur depuis R6 n'a pas l'air dure et pourtant ...
Après quelques mètres dans un dièdre il faut qu'il traverse jusqu'au relais sur une strate large et bouchée. Il me lance : "c'est A3 bloc comme cotation ! Je ne peux rien mettre, les pitons c'est mort, et les friends trop foireux" Après une progression lente, toute en douceur et sans à-coups, Benji finit par craquer quand, au bout de 20 minutes, il n'a toujours pas bougé. Il a repéré un piton en place, 1,5 mètres à droite de lui. Il s'est mis en tête d'y aller en libre en misant sur le fait que le piton est bon !
Le voilà parti, en stress intégral car les points posés avant sont foireux et la grimpe en basket rude. Il donne tout, arque tout ce qu'il peu et arrive à clipper le piton et me dit : "Je vais vomir !" il a tellement forcé et stressé sur ces quelques mouvements que son estomac veut le remercier. Après quelques râles et toussotements ça lui passe. Il court jusqu'au relais, il est 21h00 passées.
Le temps d'installer le dodo et de manger, on s’endort vers minuit, dure journée.
9h30 et toujours pas debout !!! |
Jour 3 : L'antidéroulante.
Le réveil de ce matin est très dur, le corps à bien souffert, le dos est foutu, les abdos courbaturés, les mains gonflées, bref tous les bienfaits de l'artif en dévers. J'ouvre les yeux et je vois ce qui m'attend au-dessus du portaledge, L8, A3, 35 mètres. Je vois surtout les deux plombs en place et les trois crochets qui les suivent, d'après le topo. J'ai connu mieux comme point de renvoi afin de protéger le relais. Et pour couronner le tout : encore un genévrier au relais. Ça ne donne pas envie de se réveiller tout ça.
La météo est mauvaise, il pleut, on s'était dit que peut-être on passerait la journée dans la tente du portaledge mais c'est bien trop dévers et à l'abri pour se la couler douce.
L8, A3 bien négocié |
"Je crois que l'on ne va pas sortir aujourd'hui", ma foi ce n’est pas grave, on a encore de la bouffe et de l'eau à finir.
L9, A2+, 25m. Il est parti comme une balle et fini comme une douille..., encore 4h00 pour cette longueur... Petite consolation pour Benji qui fait péter une énorme écaille au relais pour agrandir la vire. Le projectile va mettre 5/6 secondes avant d'impacter le sol version obus de la guerre de 14-18.
Et bien ce sera tout pour aujourd'hui, re-dodo à minuit. Demain, il nous reste deux longueurs dont une en libre en 5b, ça devrait faire.
Jour 4, on sort. On s'est obligé à fixer une heure de départ, du coup le réveil est encore plus difficile que les derniers. Mais c'est ce qu'il faut car on est tout proche de retrouver la terre ferme. Je pars dans L9, A2, il est 9h00 du matin et pour le coup ça va vite, enfin une longueur qui déroule.
vive le hamac, R9 |
Belle ambiance à R10 !!! |
Benji se charge de la dernière longueur de 40 mètres qui louvoie entre les arbres, ça annonce un hissage d'anthologie.
"Relais" me dis Benji avec le sourire de délivrance, encore un peu d'effort pour aider les sacs à passer les arbres et c'est fini. Nous voilà en haut de la paroi Dérobé, enfin sur nos deux jambes, ça fait du bien. Il nous faut à présent rejoindre à pieds Aiglun à 1h30 de marche avec un sentier quasi inexistant, des barres à éviter et une remontée un poil épuisante.
Nous voilà au village touts suants, mais contents d'en avoir terminé pour de bon avec la croix en poche.
Maud et son père arrivent en BJ40 pour nous récupérer et nous ramener pour fêter, demain, le lundi de Pâques : objectif à présent, se gaver de bons petits plats et oublier ses vieux lyophilisés dégueux.
Le sentiment général après cette voie est une apaisante sensation de douceur et une joie partagée avec Benji, d'avoir réalisé cet itinéraire de grande ampleur où la retraite est quasi impossible, merci Benji d'avoir répondu à l'appel.
Belle aventure mon Fred! A refaire quand tu veux!
RépondreSupprimerbien vue !!!
RépondreSupprimerKak
bravo pour cette voie !
RépondreSupprimerdis, tu pourrais faire un topo sur le matos qu'il faut prendre ? Il se peut que j'y aille prochainement.
merci.
gaetan